TONY JOE WHITE: BAD Mouthin’ (2018)
Malgré soixante quinze balais au compteur, notre vieil alligator de Louisiane sort un nouvel album qui vaut le détour et marque un retour au vieux blues.
Il n’est pas question de « swamp rock » mais plutôt de blues des marécages. Le blues poisseux, originel, mystérieux. Tony Joe n’a rien perdu de son style à la guitare et sa voix rauque colle à merveille avec l’ambiance générale du disque.
Le premier titre, « Bad mouthin’ », fait déjà taper du pied avec sa rythmique soutenue qui rappelle celle de « It’s all over now ». Le Renard des Marais propose une reprise « laid back » du « Boom boom » popularisé par John Lee Hooker. Il se déchaîne sur un « jump blues » endiablé (« Down the dirt road blues » de Charley Patton) mais assure aussi en blues lent (« Awful dreams » de Lightning Hopkins).
Mais le point fort de ce disque se situe dans les morceaux que Tony Joe interprète seul avec sa gratte et son harmonica : le fameux « Baby please don’t go », « Cool town woman », l’historique « Big boss man » de Jimmy Reed, « Rich woman blues », « Stockholm blues ».
Tout y est ! Le son, le chant incantatoire, l’esprit du vieux blues du Sud. Et c’est là que Tony Joe a fait très fort. Pour en être définitivement convaincu, il n’y a qu’à écouter sa version de l’immortel « Heartbreak hotel ». Seul avec sa six-cordes, il joue en finger picking comme les bluesmen d’autrefois, avec des changements d’accords qui ne respectent pas forcément les temps et une voix râpeuse qui refile des frissons. Le blues de la vieille école !
Simplicité et efficacité font de cet album grandiose un véritable coup de maître.
Bien sûr, cette production ne cartonnera sans doute pas au Box Office mais Tony Joe s’en fout certainement car on sent bien qu’il s’est fait plaisir avant tout.
Souhaitons-lui encore de longues années à gratter sa guitare et à jouer sa musique intemporelle.
Comme disait Ronnie Van Zant (un autre adorateur du blues à l’ancienne), « I’m going back to the swamps ! ».
Olivier Aubry